J’ai découvert Zoé
Montagu et ses créations sur www.panajee.com. Zoé est une jeune et talentueuse créatrice tisserande qui tisse le crin
de cheval pour réaliser des bijoux, des luminaires ou encore des robes haute
couture. Une vraie créatrice comme nous n’en retrouvons que peu aujourd’hui,
qui réalise ses créations du début à la fin, avec, comme l’on dit, l’art et la
manière… Pour aller à sa rencontre, je suis allée dans la campagne toulousaine,
dans une maison perchée en haut d’une colline avec pour environs des champs et
des vallons. Un cadre idyllique, propice à la création, où elle partage un atelier avec 3 autres
jeunes artistes. J’en ai profité pour interviewer Zoé afin de comprendre un peu
mieux son parcours, sa vision du monde et les techniques qu’elle utilise pour
ses créations…. Et j’en ai été ravie car Zoé n’est pas avare d’explications et raconte
avec passion son métier. Je vous laisse découvrir maintenant mademoiselle
Montagu, une jeune et belle personne très intéressante !
Zoé, raconte-nous
ton parcours
J’ai toujours fait du travail manuel, même à l’école c’était
en option art que je me faisais plaisir. J’ai depuis toujours fait des petites créations.
J’ai suivi un bac art plastique, enchainé avec une prépa en Arts appliqués, et
continué avec un diplôme des Métiers d’Arts spécilisé en design textile. Cette
formation est axée sur le travail manuel
de l’artisan et non sur l’industrie. J’ai appris à broder, créer mes fibres, la
teinture…
A la sortie j’ai gagné
une bourse de l’Unesco, « voyager pour apprendre les métiers d’art ».
Cette bourse finance un voyage pour 5
étudiants par an qui obtiennent le Diplôme des Métiers d’Art. Je suis partie au
chili dans la région de Linares pour apprendre le tissage de crin de cheval.
C’est une technique traditionnelle au Chili, mais tout de même assez récente
car cela fait seulement 200 ans qu’elle est utilisée. J’ai rencontré des femmes
qui me l’ont enseigné et nous avons ensemble monté un projet de création de bijoux
contemporains. Nous sommes encore en contact aujourd’hui. Ces femmes sont des
femmes de paysans qui tout les soirs tissent le crin de cheval en rentrant chez
elle. Au quotidien, elles réalisent des petits anges avec ce crin de cheval, qui
sont placés dans les églises. Elles colorent le crin de cheval avec ces
couleurs propres à l’Amérique du sud.
C’est au retour de ce voyage que j’ai décidé de continuer à
tisser. J’ai tenté une bourse de la Fondation de France que j’ai obtenu et qui
m’a permis d’acheter un métier à tisser à échantillonage. C’est un métier à
tisser de designer textile qui est très onéreux. Ces deux bourses m’ont permis
de me lancer…
Peut-on utiliser
tous les crins de chevaux pour réaliser tes créations. Ou trouves-tu le crin de
cheval ?
On peut tisser le crin de tous les chevaux, mais il faut
adapter le tissage au crin : il y a des crins tous fins, d’autres torsadés
d’autres ondulés, avec des épaisseurs et des couleurs différentes.
Au niveau de mon « approvisionnement » en crin de
cheval, il y a 2 solutions. Le client peut tout d’abord m’amener le crin, ce
sera donc un bijou sur mesure. Sinon, je me fournis auprès des archetiers qui
font les archers pour les instruments à corde, car ils sont accès à des queues
entières de crin. Cette deuxième solution me permet d’avoir des constantes quant
aux coloris.
Est-ce un métier à
tisser destiné uniquement au crin de cheval ? Utilises-tu la même méthode
pour tisser le textile ou les bijoux ?
Il n’existe pas de métier à tisser pour le crin de cheval,
c’est quelque chose que j’ai développé sur mon métier à tisser. Ce métier à
tissé est très précis grâce à son échantillonnage informatique et je l’ai
adapté à la matière du crin à cheval. Je
ne peux pas travailler le crin de cheval seul. Je l’associe avec d’autres
matières textiles (soie, coton, polyester, lin) . C’est toujours le crin
associé à une autre matière car cela permet d’avoir la solidité du crin et la
souplesse du textile.
Le métier à tisser ne me sert que pour des formes
rectangulaires ou carrées, je l’utilise donc plus pour le textile et rarement
pour les bijoux pour lesquels je préfère une technique manuelle : le
tissage circulaire. Cette technique de
tissage s’apparente plus à la vannerie et pour laquelle je travaillele crin de
cheval avec le sisal, une plante qui s’apparente à l’aloé véra. Elleest très
durable dans le temps et très souple.
Pour les bijoux, je
travaille le tissage circulaire, qui s’apparente plus à la vannerie, comme des
petits paniers et je travaille avec des fibres végétales le cisal, une plante
qui s’apparente à l’aloe véra, c’est très durable dans le temps, très souple.
Quels types de
produits fabriques-tu ?
L’an dernier, j’ai
tissé pour une styliste qui voulait des rubans pour adapter sur des sacs.
Cette année, j’ai développé avec mon ami une collection de luminaires dont le
tissage en crin de cheval sera adapté aux abats jours. Le mois dernier j’ai
tissé une robe pour une styliste parisienne, Marie Labarelle, qui sera exposée
à Monaco à l’automne. Je réalise par ailleurs des parures murales.Mon panel de
créations est très large et j’espère ne
jamais me cantonner à un seul type !
Qu’aimes- tu dans
la création ?
Dans un premier temps créer, c’est moi, c’est ma personnalité.
A l’inverse si je ne devais pas créer ce serait une torture. Ce qui me plait
c’est l’amour du travail manuel et l’importance de la matière. Je pense que nous
nous éloignons aujourd’hui des bases de la matière : nous ne savons rien
de ce que nous portons , ni les procédés de fabrication, ni le type de texture
utilisée. J’ai envie de savoir et de faire connaître comment fonctionne la
matière. J’aime partir de matériaux naturels, bruts et les sublimer, les transformer. Créer avec le crin de cheval correspond
à mon amour de la matière. J’ai eu est un coup de cœur pour la fibre et ses
coloris : le crin de cheval est très solide voir imputrescible, très léger
presque transparent. Cette matière me plaît.
Où puises-tu ton
inspiration ?
Tout m’inspire : la poésie, la nature. Je travaille beaucoup
par rapport au graphisme : des écailles, des animaux, des plantes que je
reproduis. J’utilise toujours des matériaux traditionnels ou des choses de la
nature des pelages, des feuillages.
Contre quoi
t’élèves-tu dans le monde de l’artisanat et de la création ?
C’est un milieu agréable à vivre notamment le moment des
salons qui est un moment de partage entre créateurs. Ce qui est délicat c’est
la césure entre artisanat et artisanat d’art et l’inaccessibilité des galeries
d’art. En effet, dès que l’on se met à
passer beaucoup de temps à travailler sur une pièce, on passe dans la sphère du
luxe, et les galeries qui seraient adaptées pour exposer son inaccessibles
financièrement à un petit artisan.
Que fais-tu en ce
moment ?
En ce moment j’ai un projet avec Violaine Ulmer, une créatrice
bijoutière toulousaine avec qui nous allierons céramique et textile dans une
collection de bijoux..Ce seront des pièces uniques qui seront exposées à Roubaix,
le 19/20 septembre pour les journées du patrimoine à la Manufacture des Flandres.
Comment
travailles-tu ?
J’essaie le moins possible de travailler seule car c’est un
métier très solitaire. Je collabore toujours avec un artisan différent en
fonction des projets. Pour les bijoux je travaille avec Jérémia Oudin et Mathilde Quinchez, en stylisme je travaille
avec Marie Labarelle qui crée le patron et je crée les tissus.
Quel est ton idéal
de création?
L’idéal est un atelier collectif comme nous avons ici où il
peu y avoir une interaction entre les ateliers. Tous les jours nous pourrions
nous apporter des choses les uns les autres et ce serait très intéressant car
chacun peut avoir un point de vue différent et des compétences différentes. Ici
nous avons dédié la maison à des ateliers Nous sommes 4 artisans à
travailler : nous avons un facteur d’accordéon, un facteur d’instruments à vent et je partage
l’atelier textile avec Jeanne qui est textile et brodeuse et qui travaille pour
un artiste suisse.
As-tu des conseils
à donner à des jeunes créateurs ?
Il faut y aller ! Si j’avais dû me poser trop de questions
je n’aurais pas fait ce métier car ce n’est pas facile tous les jours : il
faut avoir son entreprise être autonome, être souvent tout seul, loin de chez
soi, en salon. Je pense qu’il faut avoir l’envie, car si l’on a l’envie, on ne
se pose pas de questions… donc je ne
veux pas donner de conseils !
photos réalisées par M.Montagu